Perspectives

Cas d’étude : La réponse proactive du Togo face à la pandémie de COVID-19

Écrit parJennifer Schechter Fév 14, 2022

La réalité sur la réponse au COVID-19 dans les pays africains : le cas du Togo

Alors que je me rendais vers un centre de santé situé dans le district de Binah lors d’une récente visite dans le nord du Togo, j’ai vu une foule de personnes rassemblées sous les arbres. Des dizaines d’hommes, de femmes et d’enfants étaient assis sur des bancs ou des pierres, attendant patiemment. J’étais intriguée et je demandais ce qu’il se passait. Le directeur du programme de Santé Intégrée, Emile Bobozi, me répondit qu’il s’agissait d’une campagne de vaccination contre la COVID-19 et que des personnes des communautés voisines attendaient de recevoir leur dose. J’ai toujours été impressionnée par la manière dont gouvernement togolais avait réagi face à la pandémie et j’étais bien informée sur la situation. Pourtant, je ne m’attendais pas à assister à une campagne de vaccination dans une zone rurale et relativement reculée comme Péssaré.

Les informations qui me parvenaient des médias classiques récemment était plutôt de l’ordre de : « 65% de la population des pays riches vaccinée, contre 3% dans les pays les plus pauvres. » Une campagne de vaccination au sein d’un village rural isolé du nord du Togo était donc inattendue. Cette expérience m’a fait réaliser que la couverture médiatique mondiale ne reflète absolument pas l’effort massif déployé dans de nombreux pays sur le continent Africain. Au Togo, le gouvernement a mis en place tous les moyens à sa disposition pour vacciner ses populations aussi rapidement que possible, en surmontant des lacunes et défis que les inégalités mondiales n’ont faits que creuser.

Une réponse précoce du gouvernement à la pandémie de COVID-19   

Dès le début de la pandémie, le Togo a pris conscience de la gravité de la situation et du danger que représente le virus pour sa population. Le premier cas de COVID-19 au Togo a été signalé le 6 mars 2020. Les autorités locales ont sans tarder mis en œuvre un ensemble de mesures afin de ralentir la propagation du virus (confinement partiel en zones urbaines par exemple). En parallèle, le gouvernement national, par l’intermédiaire du Ministère de la Santé, s’est concentré sur le développement des infrastructures médicales et le déploiement d’équipements de laboratoire et de soutien logistique. Des réunions de travail hebdomadaires ont également été organisées pour partager les informations avec les partenaires et faciliter la prise de décision. Ces derniers ont ensuite été sollicités pour organiser, mettre en œuvre et contrôler les interventions permettant de répondre à la pandémie. Santé Intégré a été l’une des organisations à répondre à l’appel en collectant plus de 900 000 dollars américains pour fournir des équipements et améliorer les infrastructures dans la lutte contre le COVID-19.

Au total, 80 jours se sont écoulés entre le moment où un agent de santé aux États-Unis a reçu sa première dose de vaccin au COVID-19 et celui où les cargaisons du vaccin ont commencé à arriver sur le continent africain. Dans cette attente, le Togo se préparait à soutenir la campagne de vaccination. En septembre 2021, près de 70 centres de vaccination avaient été mis en place pour atteindre l’objectif gouvernemental de fournir 4,8 millions de doses à la population togolaise. Au 25 décembre, le nombre de personnes entièrement vaccinées atteignait presque le million (selon les données communiquées par le Ministère de la Santé du Togo et l’Organisation Mondiale de la Santé dans le rapport de situation COVID-19, daté du 25 décembre 2021). 

Grâce aux efforts soutenus du gouvernement togolais pour une vaccination de masse et le déploiement d’équipement de protection à un stade précoce de la crise, le Togo est devenu un leader régional dans la lutte contre la COVID-19. Bien qu’il reste de nombreux défis à relever pour atteindre l’objectif de vaccination de 95 % de la population cible, la réponse du gouvernement est toutefois loin de ce que les médias mondiaux dépeignent des pays africains. En effet, en plus des efforts que nous venons de mentionner, le Togo a également lutté contre la désinformation concernant les effets négatifs du vaccin. Le gouvernement a mobilisé les acteurs (préfets, maires, chefs de village, organisations de la société civile, leaders religieux et communautaires) à cet effet. Parmi eux, les agents de santé communautaires ont joué un rôle essentiel.  

Les agents de santé communautaires stimulent la demande de vaccins en luttant contre la désinformation

Tout au long de la pandémie de COVID-19, le gouvernement, ainsi que les agents de santé communautaires soutenus par Santé Intégrée, ont diffusé des informations sur la prévention auprès de leurs patients et de leurs communautés. Bénéficiant d’une grande confiance au sein de leur communauté, ces derniers ont joué une multitude de rôles. En continuant à rendre visite aux patients directement à leur domicile, ils ont pu répondre aux différentes préoccupations et apporter un réel soutien aux familles en difficulté. En fournissant des informations justes sur le vaccin, les agents de santé communautaires ont également contribué à accroître la demande tout en assurant le suivi de la couverture vaccinale et de ses effets indésirables.

Pour soutenir davantage le gouvernement et les agents de santé communautaires dans la lutte contre le COVID-19, Santé Intégrée a également préparé ses agents en les informant sur les bénéfices du vaccin. L’objectif était de mieux les équiper afin de préparer les communautés à accepter le vaccin lorsque celui-ci était encore en cours de déploiement.  

Fatima et son fils reçoivent leur Agent de Santé Communautaire locale à leur domicile, district de Kéran

Atoume Atampa, agent de santé communautaire dans le district de Kéran, se souvient de ce qu’il s’est passé lorsque le vaccin est arrivé au Togo. Elle a entendu des rumeurs se répandre dans sa communauté sur les divers effets secondaires, et de nombreuses personnes ne voulaient pas se faire vacciner. Atoume a donc décidé de montrer l’exemple et a reçu son vaccin en mars. Tout sourire, Atoume raconte qu’après avoir reçu le vaccin, les membres de sa communauté voulaient savoir si elle avait des effets secondaires. Elle leur a répondu fièrement que non. En tant que professionnelle de confiance au sein de sa communauté, Atoume répand l’information et dissipe les mythes et les rumeurs sur le vaccin. En relayant l’information entre le centre de santé et la communauté, les agents de santé communautaires ont ainsi joué un rôle essentiel en veillant à ce que les populations soient protégées par le vaccin.

Maintenir la continuité des soins tout au long de la pandémie

Alors que la pandémie de COVID-19 s’intensifiait dans le monde, les agents de santé communautaires ont non seulement été une source d’information essentielle, mais ils ont également continué à fournir des soins vitaux à leurs patients sans interruption. Afin d’assurer leur sécurité et d’assurer la continuité des visites à domicile, le gouvernement du Togo a vacciné 90% des agents de santé, y compris 100% des agents de santé communautaire soutenus par Santé Intégrée. Mais avant même que le vaccin ne soit disponible, le Togo s’est empressé de les équiper en équipement de protection individuelle (EPI) pour s’assurer qu’ils puissent maintenir leur présence sur le terrain.  

D’après CAF Afrique, le Togo fait partie des 12 pays qui ont répondu au premier appel pour l’obtention d’EPI, effectué entre juin et juillet 2020. Le premier cycle a permis de garantir un approvisionnement de six mois en EPI, avec plus de deux millions de masques commandés. Pour soutenir davantage ces efforts, Santé Intégrée s’est immédiatement assurée que tous les agents de santé communautaires et le personnel des centres de santé disposaient d’EPI supplémentaire nécessaire à leur travail. Pour surmonter les pénuries d’équipement, Santé Intégrée s’est également associée à une start-up togolaise locale, Eco TechLab, pour faciliter l’approvisionnement.  

La continuité des soins a été une préoccupation majeure pour le gouvernement et, en tant que partenaire proche, Santé Intégrée a soutenu et continue de soutenir la réponse depuis le début de la crise. De ce fait, les données du gouvernement ainsi que les données programmatiques de Santé Intégrée n’ont montré aucun signe de baisse en matière de prestation des soins primaires pendant la pandémie.  

Conclusion

La réponse du Togo au COVID-19 n’a donc pas seulement été rapide, mais a également impliqué une variété de parties prenantes : des membres de la communauté aux partenaires de mise en œuvre. Grâce à cette approche holistique, des progrès constants ont été réalisés. Santé Intégrée, en tant qu’ONG et partenaire de longue date avec le gouvernement, a apporté un soutien essentiel. Notre organisation a participé aux réunions hebdomadaires de situation sur la COVID-19 et a soutenu le gouvernement dans la construction d’infrastructures. De plus, les agents de santé communautaires soutenus par Santé Intégrée ont donné l’exemple en montrant à nos partenaires leur capacité à maintenir la prestation des services de santé malgré la crise. Cela a considérablement renforcé notre relation avec le gouvernement, qui nous considère maintenant comme un partenaire clé dans la réponse, allant même jusqu’à dire qu’ils aimeraient impliquer nos agents de santé communautaires dans les efforts de vaccination. Notre présence et réactivité sur le terrain a porté ses fruits. 

C’est ce qui a été fait au Togo. Et même si rien de cela n’a fait les gros titres de l’actualité internationale, les efforts et l’efficacité de l’approche multipartite adoptée par le gouvernement togolais ne devraient pas être négligés. Pour être en mesure de voir les résultats positifs qui se produisent dans des pays comme le Togo, peut-être serait-il sage de ne pas consommer l’information passivement et d’engager une réfléxion quant à la manière dont nous nous informons sur l’actualité africaine.