Perspectives

« Ma voix compte elle aussi ». Un Agent de Santé Communautaire sur la scène internationale de la santé 

Écrit parTchilalo Rebecca Tchotchokou Déc 23, 2022

Le 12 décembre 2022, je suis montée dans un avion pour la première fois et je me suis rendue à Kigali, au Rwanda. J’ai été invitée à prendre la parole lors de la Conférence internationale sur la santé publique en Afrique pour expliquer pourquoi les Agents de Santé Communautaires professionnalisés constituent la fondation d’un système de santé durable et résilient.  

J’y ai partagé mon expertise en tant qu’Agent de Santé Communautaire et mon histoire personnelle devant un public constitué de ministres, de décideurs politiques, de donateurs et de leaders de la santé mondiale. En racontant l’histoire d’un enfant que j’ai sauvé après l’avoir diagnostiqué et traité pour le paludisme, j’ai expliqué comment mon travail est essentiel à la mise en place de systèmes de santé solides et résilients. J’ai également plaidé pour une rémunération équitable et de bonnes conditions de travail pour tous les Agents de Santé Communautaires. Assise au centre de la scène et entourée d’hommes en costume, j’ai surmonté ma peur et mes doutes pour parler au nom de ma communauté, de mes patients et de mes collègues.   

Tchilalo Rebecca Tchotchokou, Agent de Santé Communautaire, sur scène

Une place à la table des discussions 

 J’ai ressenti une véritable joie lorsqu’Émile Bobozi, Directeur du Programme de Santé Integrée, m’a demandé de prendre la parole lors d’une conférence internationale. Je me suis dit que si un Agent de Santé Communautaire de la petite communauté de Kpindi pouvait prendre la parole lors d’un événement mondial, tout était possible. Qui aurait pensé que quelqu’un comme moi, qui passe ses journées à marcher dans la communauté sur des chemins de terre, monterait un jour sur une scène internationale pour partager son histoire ?  

J’ai surmonté de nombreuses épreuves pour arriver là où je suis aujourd’hui. Réaliser mon rêve de travailler dans le domaine de la santé et de devenir un Agent de Santé Communautaire n’a pas été facile. Ma communauté était réticente à l’idée de me voir exercer cette profession et faisait circuler diverses rumeurs à mon sujet. Malgré tout, j’ai gagné leur respect et établi des relations de confiance. Le fait d’avoir navigué à travers ces difficultés et construit des liens forts me permet aujourd’hui de communiquer ouvertement avec la communauté. Cet accès à la connaissance et à l’information fait des personnes comme moi, la clé pour construire des systèmes de santé solides et résilients. 

Pourtant, les Agents de Santé Communautaire sont trop souvent exclus des discussions stratégiques qui influencent notre travail et des forums mondiaux où se rencontrent les principales parties prenantes. Nous sommes l’épine dorsale des systèmes de soins de santé primaires et le premier point de contact lorsqu’une personne est malade. Plus que tout autre prestataire de soins, nous connaissons les défis et les opportunités auxquels nos communautés sont confrontées. Ainsi, personne n’est mieux placé pour parler des soins de santé communautaires.   

Au cours de l’événement, j’ai déclaré que si les gouvernements veulent sérieusement mettre en place des systèmes de santé résilients et réellement accessibles à tous, la contribution et le leadership des Agents de Santé Communautaires sont primordiaux. Donner l’occasion aux professionnels comme moi de prendre part aux conversations sur la santé mondiale, permet d’orienter la conversation vers l’équité et l’inclusion, ce qui nous aidera tous à atteindre la couverture sanitaire universelle. À ce sujet, je souhaite remercier tout particulièrement le « Bureau des intervenants » de chez CHIC (ou Speaker Bureau) qui assure la présence d’Agents de Santé Communautaire sur ce type d’évènement. C’est ce genre d’initiatives qui permet à nos voix d’être entendues là où cela compte vraiment.

Rétrospective sur la conférence 

Agent de Santé Communautaire, Tchilalo Rebecca Tchotchokou, Directeur Programme Émile Bobozi et Représentant Pays Intérim en Guinée, Aboubacar Nassagbè Diakite devant le centre de conférence

Aujourd’hui, je suis ravie et je me sens revigorée par cette expérience. Je suis fière d’avoir surmonté mes peurs et d’avoir dit ma vérité. Je me suis presque laissée emporter par la peur. Mais je me suis dit, sois forte. Tu peux le faire. Ta voix compte elle aussi. 

J’ai beaucoup appris en relevant ce défi. J’ai appris à promouvoir mon travail, à défendre les Agents de Santé Communautaires et à reconnaître la valeur des personnes comme moi. Le moment dont je suis le plus fière, c’est lorsqu’une représentante du ministère marocain de la santé s’est approchée de moi après le panel pour me féliciter et me donner sa carte de visite. C’était le point culminant de ma semaine.  

Il y a cependant une chose que je regrette. Tout au long de la semaine, j’ai rencontré et vu de nombreuses délégations de pays africains, mais aucun représentant togolais. J’espère que l’année prochaine mon pays sera présent afin qu’ils puissent entendre toutes les grandes idées et les leçons apprises qui ont été partagées sur l’amélioration des conditions de travail du personnel de santé communautaire.    

Pour chaque conversation sur la santé communautaire, un travailleur en santé communautaire devrait parler 

Les personnes comme moi devraient avoir plus d’occasions comme celles-ci de partager leurs histoires et de faire entendre leurs voix. C’est nous qui parlons aux patients, qui assurons un meilleur accès et une meilleure qualité des soins de santé, et qui voyons où sont les lacunes. Faire entendre nos voix n’est pas seulement une question de diversité sur les panels, mais c’est la clé pour comprendre les problèmes auxquels les communautés sont confrontées et comment les résoudre.   

Les points de vue des Agents de Santé Communautaires sont inestimables, et notre expertise ne doit pas être négligée. Par conséquent, chaque fois que quelqu’un parle de soins de santé communautaires, un Agent de Santé Communautaire devrait être présent dans la salle. Sinon, comment pourrions-nous prétendre prendre de bonnes décisions ?